Roster Con : « L’enterrement de Monsieur Léon » est votre tout premier roman. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ?
Michael Federspiel : J’écris depuis très longtemps. Pensées, fragments, histoires plus longues. En 2016, l’un de mes étudiants abordait le concept du « sens » et de la définition des objectifs de vie en psychologie positive. Il a posé une question très simple: si vous demandiez à votre enfant intérieur les raisons qu’il a d’être triste en voyant l’adulte que vous êtes devenu, quelles seraient-elles? La réponse a été fulgurante en ce qui me concerne: l’enfant de dix ans que j’étais voulait être écrivain. Je l’avais presque oublié, happé comme je l’étais par le quotidien. Le reste a suivi tout seul. Quelques nouvelles, une pièce de théâtre, un roman « pour l’entraînement », et finalement L’Enterrement de Monsieur Léon, deux ans et demi plus tard.
Avez-vous puisé l’inspiration dans votre entourage pour créer tous vos personnages, y compris Léon ?
Je ne recase pas forcément des personnes de ma connaissance dans mes romans — en tout cas jamais sans le filtre de la fiction —, mais je m’appuie souvent effectivement sur des types de personnalité que j’ai pu observer. Cela permet entre autres une réelle cohérence psychologique chez les personnages, qui acquièrent une véritable substance. Léon est en grande partie fictif, même s’il emprunte certains traits de personnalité à des gens admirables qu’il a m’a été donné de côtoyer.
Pourquoi avoir recouru à l’auto-édition ?
Parce que je suis quelqu’un de pressé. Il peut parfois se passer un certain temps avant d’être repéré par un éditeur, et je ne souhaitais pas remettre la publication de ce roman entre les mains du hasard trop longtemps. Par ailleurs, à présent que le livre existe — palpable, lisible, agréable —, il est un bon passeport auprès du futur éditeur.
Avez-vous un rituel d’écriture ?
Lorsque j’ai une plage de temps suffisante devant moi, j’aime beaucoup me perdre dans un café et laisser le brouhaha servir de toile de fond à l’écriture. Sinon j’essaie d’écrire dès que j’ai un moment. Je déteste ne rien faire, et j’ai développé avec le temps une capacité à me fondre dans l’histoire très rapidement, dès que j’ai une heure devant moi, afin d’avancer tant que je peux. Il n’est pas rare non plus que je me réveille à 3h du matin (toujours cette heure-là, allez savoir pourquoi), et que je me lève pour aller tuer l’insomnie dans un nouveau chapitre.
Il y a beaucoup de poésie dans votre ouvrage ; est-ce un genre que vous affectionnez particulièrement ?
C’est une très bonne question. J’ai redécouvert la poésie lorsque je préparais l’agrégation, avec des poètes comme Walt Whitman, Robert Frost, ou William Butler Yeats. Ça a été une claque de lire ça en tant qu’adulte et de percevoir soudain toute l’étendue de ces mots, écrits par de véritables génies. En très peu de vers, tout est dit, tout est évoqué. Je suis également musicien, et je me suis souvent rendu compte en écrivant que très vite mes tournures de phrases avaient tendance à emprunter à la musique le rythme et les assonances, me rapprochant ainsi de la poésie.
Ce qu’il y a d’intéressant avec la poésie, c’est que le texte parle à deux niveaux: il y a d’abord les mots en eux-mêmes, et il y a aussi leur sonorité, qui raconte sa propre histoire.
J’aime les textes qui sont beaux et bien écrits, et ne pas marquer de frontière entre prose et poésie, c’est à mon sens une manière de toucher à la beauté en littérature.